Nathalie Parain Marcel Ayme Les Boeufs 1941 

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PARFAIT ETAT

De la jeunesse chez Gallimard 

 

Par  

Alban Cerisier 

Mis en ligne le 30octobre 2008 

 

On peut naîtreplusieurs fois à la NRF  ; le  faux départ et le repentir font partie du jeu : celui, mal assuré, dessaisons  éditoriales, qui ne sont jamais tout à fait celles qu'on attend, quis'annoncent  alors qu'on les croit déjà avancées ou passées. En novembre 1908 paraîtle  premier numéro de La Nouvelle Revue française , revue dontsortira  quelques années plus tard la maison d'édition dirigée par Gaston Gallimard :  trois mois plus tard, en février 1909, les lecteurs sont invités à oublierce  départ qui, à la réflexion, n'était qu'un simulacre, et sont conviés àsuivre  une nouvelle course qui, elle, de grand fond, se prolonge depuis centans.        Le parallèle esttentant avec l'édition de livres pour enfants qui, chez  Gallimard, s'offre entre 1919 et 1930 un joli mais peu nombreux départ avecun  trio de luxe, plutôt progressiste, déjà bien célébré par lesbibliophiles,  mais ne trouve pas véritablement son souffle, peu certaine d'elle-même.Puis,  au beau milieu des années 1930, aux côtés de concurrents de plus en plus  affûtés, français ou étrangers, et après encore quelques hésitationsd'avant  course, on la voit s'engager tête baissée dans la foulée du Père Castor,avec  succès cette fois. L'après-guerre est plus tâtonnant, malgré le grelotdes  étoiles du Petit Prince  et les facéties de l'ami Prévert. Maiscela  paraît aujourd'hui avoir été la prise d'élan nécessaire et bénéfique pourla  grande aventure éditoriale que sera Gallimard Jeunesse, guidée par lamain  directrice et inventive de Pierre Marchand, avec l'appui durable de lafamille  Gallimard - qui a enfin trouvé l'homme de l'art.    Premiers pas    Mais des livres pourenfants chez Gallimard, cela allait-il bien de soi ? 

 

 

S'il est difficile d'yvoir clair sur les motivations et circonstances exactes de la publicationde Macao et Cosmage  d'Edy-Legrand fin 1919, premier titrepour enfants au catalogue du jeune éditeur, on peut du moins tenter d'encomprendre le contexte. La maison n'a pas dix ans d'existence ; elle n'a pasinterrompu ses activités pendant la Grande Guerre, malgré la dispersion de sescollaborateurs et auteurs, mais son équilibre commercial et financier  est fragile. Pourtant Gaston Gallimard, appelé par André Gide et ses amis  dès 1911 à la gérance du comptoir d'édition adossé à la revue, a degrandes  ambitions. Il est revenu de New York, où il a accompagné la troupe du  Vieux-Colombier de Jacques Copeau, avec des idées nouvelles pour déployer  ses activités éditoriales, tant au plan de la commercialisation qu'àcelui  des moyens de production (rachat de son imprimeur historique brugeois et  modernisation de son parc de machines). Le jeune entrepreneur a désormaisla  certitude que sa maison d'édition doit et peut trouver son équilibre  indépendamment de l'exploitation de la revue : les années de guerre, oùla  parution de la NRF  avait cessé, ont fini de le convaincre. Ilva  donc travailler activement à l'élargissement de son catalogue ; la  constitution d'un secrétariat éditorial et d'un comité de lecture  indépendants de la revue est une première étape : le choix des livrespour  enfants, jusque dans les années 1960, y sera débattu, comme n'importequel  autre ouvrage. Les lecteurs ne seront autres que Jean Paulhan, qui avait  horreur qu'on surnomme la NRF  « la vieille dame » (on sait le  grand intérêt du directeur de la NRF  pour les « récits d'enfants »,dont il publie un choix en tête de la livraison de la NRF  de  février 1933), Benjamin Crémieux, Brice Parain, Raymond Queneau (dont le  fils Jean-Marie sera un des premiers lecteurs de la NRF  desenfants),  Jacques Lemarchand... Des bons pères de famille en somme ! (Et au vrai,bien  peu de femmes ; ce que déplore avec raison Marcel Aymé.)     

 

 

La  mutation juridique et financière de la société est requise pour passer ce  cap important (la Librairie Gallimard est créée le 24 juillet 1919), demême  que son déménagement dans des locaux plus appropriés à ses desseins,d'abord  rue de Grenelle en 1921, puis rue de Beaune en 1929. Le recrutement d'un  nouveau directeur commercial en 1921, Louis-Daniel Hirsch, qui joueraplus  tard un rôle clé dans l'élaboration du programme d'une collection comme la« Bibliothèque blanche », est également bénéfique ; car, pour emprunter à  notre temps un vocabulaire bien sûr inconnu de l'époque, les collectionsde  jeunesse, destinées à des publics plus « segmentés », font déjà l'objet  d'une réflexion s'appuyant sur une analyse plus fine du « marché ». On se  préoccupe de la perception des lecteurs, on adapte les formes éditorialesà  des pratiques de lecture et d'apprentissage identifiées, mieux comprises.Et  cela même si la voix des créateurs reste première et si l'initiative leur  revient encore. Les livres de commande ne semblent pas dominer.    On voit donc lespublications de la maison d'édition devenir plus nombreuses dans  les années 1920 et surtout, via la création de nouvelles collections,plus  diversifiées : documents, essais, livres populaires. L'éditeur prend son  essor et son autonomie : ses productions paraissent sous la double marquede  la NRF  et du patronyme Gallimard, entre héritage et  émancipation.    La  parution du luxueux et singulier album d'Edy-Legrand se situe à l'orée de  cette période charnière. Mais l'entreprise peut surprendre, car le coûtde  fabrication - et donc l'avance de trésorerie - n'aura pas été négligeable  pour mener à bien ce projet d'envergure, hors cadre, aux attributs  bibliophiliques (format, papier, mise en couleurs) étonnants à l'égard de  son tirage élevé. Or la maison a en cette période de redressement beaucoupà  faire et à investir, notamment pour reprendre la publication régulière dela  revue ; l'effort financier de ses actionnaires historiques est plus que  jamais nécessaire. Avec Macao  et son jeune illustrateur, onaura  voulu frapper très fort. Mais, malgré la modernité de l'ouvrage, les  résultats furent décevants : si l'on ignore à quel seuil avait été fixé  le « point mort » de l'opération, force est de constater que la moitié dutirage est  encore en stock dix ans après parution. L'ouvrage est encore promu dansle  catalogue des livres d'enfants de la NRF  en 1945. Riend'étonnant  pour un éditeur de fonds ? Certes, mais en 1919, Gallimard n'est pasencore  un éditeur de fonds, et les phénomènes de compensation entre succès et  pannes de librairie ne sont pas encore à l'oeuvre. Une chose est sûre :la  NRF  témoigne là d'un savoir-faire naissant, ressortissant nonpas  d'abord au livre pour enfants, mais au livre de luxe. L'éditeur sera en  effet, parmi ses pairs non spécialisés, l'un des plus actifs en lamatière  dans les années 1920 (Mahé) - au-delà même des tirages de tête qu'ilpropose  pour la grande majorité des oeuvres parues en collection Blanche -,avant  que ne sévisse la crise qui contraint les maisons de littérature généraleà  réviser certaines de leurs options (élément conjoncturel important pour  l'histoire qui nous occupe ici).      Si nous en savons peusur l'origine du projet Macao , nous disposons d'un  regard porté a posteriori par Gaston Gallimard sur cette entreprise. Le30  octobre 1928, le comité de lecture de la NRF  se questionne surles  Fables sénégalaises  que lui propose alors André Demaison,auteur  publié par Fayard et bientôt Grasset. Benjamin Crémieux pense que cesfables  n'auraient d'intérêt qu'illustrées et suggère d'en faire un album pourles  enfants. Gaston réagit aussitôt : il considère qu'il n'a jusqu'à ce jour  publié qu'un seul livre de ce type, Macao et Cosmage  (oubliantle  très confidentiel tirage des Histoires du Petit Renaud  del'ami  Léopold Chauveau, paru un an auparavant), et que cela a été un « échec  complet ». Il se déclare « incompétent ». S'ensuit une discussion  collective, dont sort probablement le troisième ouvrage de cette première  période, avant-courrier d'une histoire qui se prolongera au-delà même dela  NRF  : Mon chat , d'André Beucler, illustré parNathalie Parain,  qui paraît en 1930. Brice Parain, jeune normalien philosophe et russophile  entré au secrétariat et au comité de lecture de Gaston Gallimarddepuis peu  (15 octobre 1927), intervient dans la discussion. Il suggère que la  NRF  prenne pour modèle les livres pour enfants tels qu'ils sontfaits  en Russie, modernistes et renouvelant en profondeur le genre par des  innovations formelles, pédagogiques et narratives. Il sait que Nathan  prépare quelque chose. Gaston Gallimard clôt le débat (mais l'ouvrepar-là  même pour les années futures) en rappelant qu'il ne lancera de ces livres  qu'avec un plan d'ensemble, en sortant un grand nombre d'ouvrages : il ne  pourrait sans cela bénéficier de la clientèle des grands magasins,  essentielle pour la bonne vente des livres destinés à la petite  enfance.      L'éditeur a jusque-làtâtonné, cherchant une voie entre édition de luxe  illustrée et ouvrages de lecture ou d'apprentissage de plus grande  diffusion. D'où ces livres bien singuliers qui forment le trio de tête,l'un  relevant nettement de la bibliophilie , Les Histoires du PetitRenaud   ,  les autres situés à la croisée des chemins, entre deux eaux  éditoriales. L'ensemble constituant cependant une incontestable réussite  esthétique, qui a sa place dans les histoires du livre pour enfants  contemporain, aux côtés des livres de Tolmer notamment.      L'hypothèseFaucher      certains égards, Monchat  d'André Beucler et Nathalie Parain sera  le second faux-départ de la NRF  en matière de livres pourenfants.  L'ouvrage paraît à la fin de l'année 1930, à un moment où l'éditeur, dans  le prolongement de l'intervention de Brice Parain au dit comité de  lecture, commence à envisager sérieusement la publication d'une sériepour  la jeunesse. L'intention est confirmée par un échange de courrier entre  Raymond Gallimard, frère de Gaston, et la jeune journaliste américaine  Esther Holden Averill, grande spécialiste des livres pour enfants et  elle-même auteur pour la jeunesse, les 9 et 11 août 1930. Travaillant à  une étude sur l'illustration pour enfants (Avant-Gardes and Tradition   in France  , in Bertha E. Mahony, Contemporary Illustrators of   Children's Books ), elle sollicite l'éditeur pour obtenir des  informations sur ses productions. Réponse de Raymond Gallimard  :    "Le   seul livre pour enfants que nous ayons publié jusqu'ici est Macao et   Cosmage, textes et illustrations d'Edy-Legrand (1919). Nous allons faire   une seconde expérience pour les étrennes prochaines en publiant un album   intitulé Mon chat, textes d' André Beucler, dessins de N. Parain,dont   nous pourrons vous communiquer un jeu d'épreuves d'ici une quinzaine de   jours, si ce n'est pas trop tard. Avec cet album, nous comptons commencer   une série de livres d'enfants tout à fait modernes, et nous vous serions   reconnaissants de bien vouloir attirer l'attention sur cette initiative en   Amérique."       Les  Histoires du petit Renaud  sont une nouvelle fois oubliées :elles  semblent alors plutôt considérées par la NRF  comme un livre deluxe  illustré, non comme un livre destiné au jeune public. Mon chat ,par  contre, est bien désigné comme le point de départ d'une démarche  résolument progressiste. Esther Holden Averill tiendra comptede  l'indication de Raymond Gallimard ; et on pourra lire dans l'ouvrage de  Mahony, à la page 94 :    « Mon  chat will introduce a series planned by The NouvelleRevue française. »  L'information n'est pas mensongère : Gaston Gallimard est désormais  réellement sensibilisé à la question du livre pour enfants et cherche la  meilleure voie pour se lancer.    Ainsi, en avril 1929,le gérant des Éditions de la NRF  bénéficie avec  Brice Parain d'une visite privée, avant inauguration, de l'exposition «Le  Livre d'enfant en URSS », qui se tient du 27 avril au 22 mai aux Éditions  Bonaparte (12, rue Bonaparte ; directeur : Léopold Van Oijen). Lepetit  catalogue imprimé par la galerie cite les Paysages et villes russes   d'André Beucler : « Voici les livres d'enfants illustrés pardes hommes   de génie » , et était précédé d'un texte magnifique de BlaiseCendrars.  178 ouvrages des trois années précédentes y sont présentés,principalement  publiés par les Éditions de l'État de Leningrad et de Moscou, mais aussi  par quelques autres éditeurs(Radouga, Drouzia, Dietei, Mirimaniv,  Moskovski Rabotchi, Mysl, ZifS). Gaston cochera sur son propreexemplaire  le nom des illustrateurs de son goût ; il retient les travauxd'Ouchakova,  Simionovitch, Deineka, Lebedev, Konaschevitsch, et lespeintres Arapoff et  Gloutchenko. Un dossier « livres pour enfants » est enfin réellement  ouvert à la NRF  et cela, fait significatif, en même tempsque  s'ouvre cette exposition considérée par les historiens du livre pour  enfants comme une date clé de son évolution en France. Suite naturelle de  ce premier mouvement d'intérêt, Gaston Gallimard écrit àVladimir Lebedev  le 6 mars 1930 :  "Il est malheureusement difficile de traduire et reproduire tel quelles   livres d'enfants que vous avez illustrés en URSS. Seriez-vous disposé en   principe (et à quelles conditions) à illustrer pour nous le texte d'un   livre d'enfant, que nous pourrions vous faire parvenir soit en français   soit dans sa traduction russe à votre choix ?"       André Beucler avait,comme son ami Gaston Gallimard, une grande admiration pour  le travail de l'illustrateur russe ; il lui consacre un bel article dans  la quinzième livraison d'Arts et métiers graphiques du 15 janvier 1930,où  le directeur de la NRF dut lire l'écho de son propre jugement :    Ces   images qui nous maintiennent dans un état de naïveté, et d'affection, on   les a vues ce printemps rue Bonaparte, à l'exposition du livre d'enfant en   URSS. Ces images faites pour une jeune âme et des yeux sans souvenirs   encore, révèlent un goût profond de la chose, une connaissance presque   amoureuse de l'objet. [...] Il a le sens de la composition et du rythme,   c'est un metteur en scène. Ses livres pour enfants l'ont rendu populaire   en Russie. Certains, et particulièrement l'Éléphant d'après Kipling, ont   connu d'énormes tirages. On est obligé de les rééditer sans cesse, pas   seulement parce qu'ils sont nécessaires à la sensibilité du petit monde,   mais parce qu'ils constituent déjà un document national qui renseigne le   peuple entier sur ses sentiments particuliers et sur sa propre fantaisie.   Lebedev compose le livre, choisit les caractères, met en pages etdispose   ses illustrations dans un ordre et selon des secrets qui augmentent encore   la force expressive du dessin. Et c'est ainsi qu'il charme par tous lesmoyens de sa bonté si claire et de son talent si   généreux les citoyens qui épellent encore et ceux qui commencent déjà à se   souvenir.  

Parallèlement,  la NRF  entre en contact avec des éditeurs allemands, notammentavec  Müller & C° Verlag de Potsdam, pour obtenir la cession dequelques titres de leurs  catalogues, tels Unterm Tisch und auf der Schaukel  duDr Redslob,  ou encore le Buch der erfüllten Wünsche  deTom Seidmann-Freud, tous  deux publiés en 1929. Steyermulh Papierfabriks de Vienne (pourles  ouvrages de Claris Weitner) et Williams & C° de Berlin sontégalement  sollicités. Des échanges sont par ailleurs attestés avec Marion Saunders,  alors à Londres, dont il est question qu'elle représente, en exclusivité,  Gallimard à New York. Elle a proposé un livre à la NRF,  Ilia  et  Alberto   d'Angelo Gatti, lu en  comité, mais que la NRF ne souhaite pas retenir. Louis Chevasson,camarade  de Malraux et en poste au secrétariat éditorial de la maison, lui écrit  :  "Malheureusement, le projet de collection dont je vous ai parlé n'estpas encore au point et   nous ne pourrons en envisager la publication que vers la fin de l'année   prochaine. Nous en reparlerons donc si vous le voulez bien vers cette   époque. En attendant, je crois préférable de vous rendre le volume et vous   le retourne par ce même courrier."         De ces premierscontacts il ne semble donc avoir rien résulté. Mais des options  se dessinent en même temps que se précise une grande disponibilité de la  maison à l'égard de projets qui lui sont ou seront soumis ou  d'opportunités qui se présenteront.     Une première occasionne tarde pas à se présenter, par la voix même de  l'actionnaire historique de la maison : Jean Schlumberger - l'un des six  qui, avec André Gide, avait créé la NRF  en 1908-1909. Ilse  confirme que la question du livre pour enfants était depuis longtemps  débattue au sein de la très littéraire maison et que, si l'intentionétait  bien là, il manquait l'homme clé pour la mettre en oeuvre - etcela,  malgré la bonne volonté et les contacts précieux de Brice Parain et de sa  femme Nathalie, brillante illustratrice formée à l'école russe, notamment  avec les milieux de l'émigration. Jean Schlumberger de retour desfameuses  Décades de l'abbaye de Pontigny réunies chaque été par Paul Desjardins,  écrit ainsi le 24 août 1930 à Gaston Gallimard une lettre qui aurait pu  être décisive :    "Tu   sais combien je partage ton souci d'établir l'équilibre de la maison   d'édition sur autre chose que le roman littéraire. Or il y a un domaine où   certains éditeurs ont gagné des fortunes, tout en livrant en général des   productions très médiocres : c'est le livre d'enfant sous toutes ses   formes et notamment le livre susceptible d'une diffusion jusque dans les   écoles primaires. J'avais souvent envisagé une possibilité de ce genre,   mais j'avais reculé devant ton objection fort juste, à savoir qu'il   fallait avoir un technicien bien au courant de ce marché spécial. Or deux   années de suite, j'ai rencontré à Pontigny un nommé Faucher, actuellementemployé chez   Flammarion et qui, dans la question, me semble un as. Sur la demande de   Flammarion, il a dressé un programme d'ensemble : périodiques pour les   enfants, fascicules documentaires, livres de prix, etc., etc. Flammarion   voudrait marcher, mais Alex Fischer ne porte pas d'intérêt au projet de   sorte que, si l'on se hâte, il y aurait moyen de leur souffler l'affaire.   L'étude du projet est déjà très poussée. Toutes les maquettes, tous les   titres ont été établis après consultation d'enfants ; et Faucher qui est   depuis longtemps spécialisé dans les questions d'éducation possède toute   la documentation nécessaire à la diffusion commerciale. Il a été lui-même   à la tête d'une des Librairies Flammarion et comprend ce que c'est qu'une   affaire.     Évidemment, ce seraitune grosse entreprise ; mais en France, le livre d'enfant est à   un niveau tellement misérable qu'il y aurait sûrement une grande place à   prendre. Je voudrais beaucoup, dès que tu passeras par Paris, que tu   convoques Faucher et que tu aies un entretien avec lui. Son adresse : 16,   rue de l'Arbalète, Ve."       Que les très sérieusesrencontres de Pontigny aient pu être l'un des berceaux  du renouveau du livre pour enfants dans l'entre-deux-guerres ne laissepas  surprendre. C'est dire tout l'esprit d'ouverture et de curiosité qui  domine les débats et échanges qui y ont cours. Le libraire et éditeurféru  de pédagogie enfantine, protagoniste du mouvement de l'Éducationnouvelle,  Paul Faucher, peut y côtoyer le romancier et dramaturge Schlumberger et  trouver sans mal un terrain de discussion et d'entente.     Gaston Gallimard suitle conseil de son associé et ami ; une première rencontre  avec Faucher a lieu le 11 octobre 1930 à la NRF . On sollicitealors  l'avis de l'expert sur Mon chat , qui vient de paraître ; ilexprime  quelques réserves de « pédagogue » sur le texte et le dessin, trop  allusifs, pas assez directs, non sous-tendus, s'entend, par une analyse  des processus cognitifs de l'enfant. Une nouvelle rencontre a lieu le 3  février 1931, cette fois entre Brice Parain et Paul Faucher. Il est  question de livres en projet : livres géographiques sur l'Amérique du Sud  et l'Amérique centrale, un manuel de jeu d'enfants avec mie de pain. Un  programme général de publication est présenté par Faucher à Gaston  Gallimard en février ou mars. On évoque bientôt les investissements  nécessaires, Faucher écrivant à Brice Parain :  "Je   puis vous dire dès maintenant que pour un lancement minimum dans les   conditions prévues et pour réaliser les seules collections de diffusion   dont j'ai exposé le programme à M. Gallimard, une mise de fonds de 300 000   francs me paraît suffisante. Bien entendu, veuillez considérer ce chiffre   comme une estimation très élastique. Il faut que je revoie de très près   mes calculs, en tenant compte de   l'appoint important que constitueraient les services commerciaux de la   NRF."     On  travaille encore. En mai, Brice Parain fait la synthèse du plan deFaucher  aux deux frères Gallimard. Deux séries sont envisagées : l'une à bon  marché et de grande diffusion (tirage entre 20 000 et 30 000 exemplaires  !) d'albums à deux francs environ devant composer une manière  d'encyclopédie pour enfants (ethnographie, pratique, vie moderne,  technique), l'autre à douze francs, de textes français ou étrangers. La  première serait diffusée par Hachette, la seconde par les moyens  ordinaires de la librairie. Faucher s'égare un peu sur la première, tant  par le nombre d'exemplaires moyens envisagés que par le taux de diffusion  - distribution que prendrait Hachette, qu'il minore abusivement. D'emblée  il envisage un système de diffusion par abonnement, souscrit à unvoyageur  ou par l'intermédiaire du Syndicat des instituteurs. Un fascicule  promotionnel serait publié tous les quinze jours. Faucher dit qu'il est  alors en pourparlers avec le Syndicat des instituteurs pour la fondation  d'une coopérative vouée à la réalisation de ces projets, mais qu'il  pourrait se rendre libre si Gaston Gallimard se décidait à créer une  société dans le même dessein. Il souhaite alors seulement qu'une décision  soit prise avant juin 1931, mois de son départ en Europe centrale. Lamise  de fonds initiale pour l'édition des quatre premiers volumes s'élèveraità  quelque 300 000 francs de l'époque (150 000 euros 2007). Gaston est  intéressé, mais souhaite obtenir une maquette de la première série avant  de faire part de sa décision définitive. L'obtiendra-t-il  ? Rien ne permet de le dire. On sait par contre qu'il lui est transmis en  mai 1931 une note d'intention et un programme détaillé du projet de  collection (il en est également un exemplaire dans les archives du Père  Castor), rédigé et établi par Paul Faucher lui-même. Le document est  passionnant :    « Tous   ceux qui se sont intéressés aux problèmes de l'éducation ont été frappés   de la part qui incombe aux lectures de l'enfance dans la formation du   caractère et de la sensibilité. C'est une question qui, depuis une   vingtaine d'années, a fait l'objet d'études et d'enquêtes dont les   résultats ont profondément modifié la littérature enfantine dans plus d'un   pays. (En Allemagne, près de 300 associations se sont donné mission de   choisir et de répandre les meilleurs livres pour la jeunesse. Aux   Etats-Unis, il n'y a pour ainsi dire, pas de ville qui ne possède sa   bibliothèque enfantine. En Angleterre, on trouve jusque dans les villages   d'admirables collections de livres d'enfants).     En France, par contre,et de l'aveu même des spécialistes, la littérature   enfantine n'a pas évolué depuis Hetzel, et nous sommes bien forcés de   reconnaître, avec eux, que, dans l'ensemble (les exceptions n'en sont que   plus précieuses et plus louables) les périodiques et les livres destinés   aux enfants ne reflètent trop souvent que la plus plate et que la plus   fausse image de la vie. Il est navrant de songer que la merveilleuse soif desavoir et de comprendre,   si ardente chez l'enfant, s'étanche ainsi à trop bon compte et à de   mauvaises sources, et que, sur tant de beaux élans brisés, viennent se   greffer tant de notions erronées et d'idées biscornues.     Cependant   les meilleurs éléments du public s'inquiètent de cet état des choses, et   réclament pour les enfants une nourriture intellectuelle d'une plus haute   qualité.      Le   moment paraît donc venu de déployer dans ce domaine une activité neuve.   C'est pourquoi nous avons projeté de constituer une « librairie de la   jeunesse » sur des bases fournies, non plus par les conventions en usage,   mais par une étude objective de la question.     La   curiosité de l'enfant ? Elle est infinie, elle est multiple. Nous   voudrions la satisfaire par une représentation aussi variée que possible   des mille sujets qui la sollicitent, en publiant périodiquement de petits   livres (de soixante pages environ), d'un prix minime, dont l'ensemble   constituera en quelque sorte une encyclopédie de la jeunesse (en enlevant   au mot ce qu'il peut avoir d'ambitieux, de pédant et de   rébarbatif).     Pour   le choix des matières et des textes, nous nous inspirerons des données de   la psychologie nouvelle.     La   composition, la forme, la présentation des livres, les réactions des   jeunes lecteurs ont fait l'objet de recherches attentives :     nous   prierons les auteurs d'en tenir compte.     Les   manuscrits retenus seront soumis à différents groupes d'enfants, et ne   seront édités que si les auditeurs y prennent intérêt ou plaisir. Les   prescriptions des médecins oculistes quant à la typographie seront   fidèlement observées. De temps à autre un feuillet de correspondance nous   permettra de rester en contact avec notre jeune public et de recueillir   ses suggestions.   

De la démocratie directeen édition.     L'enfant  est au coeur des préoccupations des auteurs et des lecteurs, pointde  départ de l'écriture comme de la façon de faire des ouvrages. On est loin  du comité de lecture NRF  ! Faucher exprime là une manièred'utopie  du livre pour enfants, conciliant la qualité des contenus avec  l'accessibilité maximale des ouvrages (par le prix comme par la  maniabilité de la production, portée par une réflexion sur la forme même  des ouvrages) et avec les attentes ou dispositions des publics renouvelés  auxquels ils s'adressent. Non pas un marketing de la demande, àproprement  parler : plutôt une vision technicienne, experte, en même temps  qu'imaginative et avant-gardiste, d'un secteur de l'édition dont laremise  à niveau passe par un substrat théorique et une mise à l'épreuve  expérimentale de ses formes et de ses propositions. Les principes de  l'éducation nouvelle, dans le mouvement de laquelle Faucher se situealors  depuis déjà plus de dix ans, sont au cœur du projet.    Quant  à la conception encyclopédique, elle trouvera un formidable écho, presque  intuitif, plusieurs décennies plus tard chez Pierre Marchand, dont l'élan  éditorial a été continûment porté par une tentation encyclopédique. «  Découvertes » est là pour en témoigner. Mais c'est une autre époque etune  autre histoire.    Faucher  imagine donc deux séries : l'une scientifique (« Histoires vraies   » ), l'autre littéraire (« Les plus   belles histoires du monde » ). La première est divisée en neuf  rubriques, liées à l'histoire, la vie sociale, au temps présent ou aux  activités quotidiennes : « Le royaume de l'univers »  (animaux  préhistoriques, volcans, fond des mers), « Aujourd'hui »  (le  cinéma, la poste, les grands travaux), « Ailleurs »  (la viedes  petits Esquimaux, des petits Japonais, des petits Arabes), « À travers   les âges »  (De la hutte au gratte-ciel, de la pirogue au  transatlantique), « Autrefois »  (la chevalerie, lescorporations  médiévales, les corsaires),  « Voyages et aventures »  (les grandes croisières, les flibustiers,la  chasse aux fauves), « Biographies »  (comment Eiffel estdevenu  ingénieur, comment Garros est devenu aviateur), « Mes collections »   (timbres, insectes, minéraux), « Divers »  (Campons,Servons-nous de  nos mains, Venez-vous jouer ?). La seconde se découpe en quatre grands  secteurs : les contes et légendes classiques et populaires, les beaux  épisodes historiques, les classiques de l'enfance et les contes et récits  choisis dans les livres contemporains « de qualité » (Tolstoï, Daudet,  Ruskin, Rosserger, Lagerlöf.).    Il ne  sera pas donné de suite à ces discussions, bien qu'on semble séduit à la  NRF  par ce programme ambitieux - Brice Parain, enparticulier,  soutient le projet (mais pas Jacques Schiffrin comme on a pu l'écrire: le  fondateur de la Pléiade n'est pas encore dans les murs à cette époque).  Peut-être trop ambitieux ? La NRF  a-t-elle été prise devitesse ? Y  a-t-on jugé l'affaire trop risquée ? C'est difficile à dire. Toujours  est-il que, fin 1931, paraissent chez Flammarion les deux premiersvolumes  d'activités des « Albums du Père Castor » , conçus et dessinéspar  Nathalie Parain elle-même - Je fais mes masques et Je découpe  -,  sous la direction de Paul Faucher. De 1932 à 1939, quelque quatre-vingts  albums seront ainsi publiés à la même enseigne, sans que les titres  correspondent au programme proposé à la NRF , rencontrant bientôtun  véritable succès de librairie ; les instituteurs se les approprient comme  livres de lecture et les traductions à l'étranger se multiplient. Jean  Schlumberger avait vu juste. Avec un pied dans le domaine de l'édition et  de l'illustration russes avec Brice Parain (et peut-être Blaise Cendrars  ?), son lien privilégié avec Faucher et sa grande proximité avec les  forces vives de la littérature de création et, ne l'oublions pas, avec sa  propre expérience dans le domaine du livre illustré, la NRF  avait  été un temps la mieux placée pour prendre une position décisive. Tout  semble désormais à refaire.    Les  deux parties ne se sont pas séparées en mauvais termes, le lien entre  Faucher et la NRF  se maintenant durablement, par le biaisde  Nathalie Parain notamment, qui sera le principal auteur des débuts duPère  Castor. On ne peut toutefois qu'être un peu surpris par la réponse faite  en février 1934 par Gaston Gallimard à G. Tcherkessov, qui deviendra  lui-même un collaborateur régulier de Faucher, lorsque l'illustrateur  russe lui proposera un projet de livres pour enfants :    "Il   n'entre pas tout à fait dans le cadre de notre programme. Il se rapproche   plutôt de la série du Père Castor chez Flammarion. Nous l'avons signalé à   M. Faucher avec qui nous entretenons les meilleurs rapports de   confraternité et nous vous conseillons de vous adresser à lui. Voulez-vous   que nous lui transmettions directement vos dessins ?"       Quelle  magnanimité ! De fait, plusieurs projets seront encore repoussés durant  cette période de transition, entre 1930 et 1934 - de Mon chat à   Châtaigne , lequel est une production du couple Parain. On refuseainsi  un projet d'Esther Averill (peut-être The Fable ofa Proud Puppy ),  un livre d'étrennes de l'excellent Luc Mégret (Les Yeux enchantés ),  un ABC pour les enfants de Serge Ivanov - auquel Gaston répond qu'il ne  souhaite pas publier des livres de petite enfance. Au même moment,  pourtant, la maison continue à démarcher les éditeurs allemands. Le 19  décembre 1933, on demande à Herbert Stuffer Verlag de Berlind'adresser à  la NRF certains de leurs ouvrages dont est envisagée la traduction :  Das Zauberboot  et Das Wunderhaus  de Seidmann-Freudet Zirkus  de Susanne Ehmcke :    "Nous   étudions à l'heure actuelle la création d'une collection de livres   d'enfants et naturellement, comme vous êtes le principal éditeur de livres   d'enfants en Allemagne et le plus intéressant, nous serions heureux   d'entrer en relations avec vous."     Un premier dispositif: Schiffrin, les Parain et Marcel  Aymé    Difficildonc d'yvoir très clair. Pourtant cette année 1933 sera une année  décisive pour la production de livres pour enfants à la NRF, qui portera  ses fruits jusqu'au début des années 1940. Décisive parce qu'à défaut de  Faucher, la NRF  trouvera l'homme qui lui manque pour prendreen  main ce département : Jacques Schiffrin, le fondateur des Éditions dela  Pléiade (et de la collection du même nom, dont les douze premiers volumes  étaient parus depuis 1931), notamment expert en livre de luxe illustré  pour adultes. Confronté à des difficultés de trésorerie, ce dernier  s'était résolu à céder sa « Bibliothèque de la Pléiade » à Gaston  Gallimard, moyennant un contrat de directeur de collection lui enassurant  la direction, au sein de la NRF . Installé dans ses propresbureaux,  Jacques Schiffrin, d'origine russe, prolongeait son travaild'éditeur  exigeant et novateur aux côtés des frères Gallimard. Ses compétences dans  le domaine du livre illustré, sa connaissance des prestataires et  peut-être également son lien avec les milieux de l'émigration russe en  font un interlocuteur de choix sur la question du livre pour la jeunesse.  Son premier contrat, en date du 31 juillet 1933, n'en fait pas état. Mais  à la révision de cet accord, le 23 février 1934, il est clairementindiqué  que Jacques Schiffrin devient responsable des livres pour enfants.Il  touchera alors des droits de directeur de collection, révisés pour chacun  des titres qu'il apportera. L'homme a donc dû faire ses preuves. Et de  fait, c'est bien lui qui suit jusqu'à la fin de l'année 1940 (où il se  résignera à quitter la France) toutes ces publications (à l'exception  cependant de « La Découverte du monde »  et de la «Collection du   bonheur » ), sans pour autant siéger au comité de lecture de lamaison.  Il sera à ce titre, dès 1934, l'un des interlocuteurs privilégiés de  Marcel Aymé pour ses Contes du chat perché  (si bienvenus, unpeu  par hasard, pour donner le change, avec leur manière bien singulière,  fraîche et humoristique, au « Roman des bêtes »  du PèreCastor,  créé la même année), l'ordonnateur des « Albums du gai savoir » ,  l'initiateur des Almanachs du même nom, suggérés et confiés à Colette  Vivier. Il portera sur les fonts baptismaux le singe le plus célèbre au  monde, l'espiègle George , qui porte alors le nom de Rafi ,né  de la main et l'esprit de H. A. Rey - qu'il retrouveraaux états-Unis en  pleine gloire.   

 

 

 

Jacques  Schiffrin adresse le 3 mars 1934 un programme « jeunesse » à Raymond  Gallimard, établi « après concertation avec Brice Parain ». Il y classe  les futures parutions en trois grands ensembles : « Fonds de lecture   »  (classiques de la littérature enfantine), « Albums »   (littérature enfantine contemporaine, ouvrages largement illustrés,  type « livres-cadeaux ») et « série encyclopédique » . Cette  dernière catégorie réunirait « de petits ouvrages de leçons de choses,   suivant un éventuel projet de Mme Brice Parain » .    Un  autre facteur achèvera de persuader Gaston Gallimard de se lancer  sérieusement dans ce secteur : le contrat exclusif fort avantageux que la  maison, un an plus tôt, en 1932, a signé avec les Messageries Hachette  pour la distribution de ses programmes et de son fonds en librairie. La  NRF  gagne ainsi en force de frappe commerciale et en sécurité,les  prises fermes de son distributeur limitant le risque éditorial sur chaque  ouvrage. Dégagée d'une partie des incertitudes du métier - maiss'exposant  par là même à une possibilité d'intrusion de son distributeur dans ses  affaires -, la NRF  s'est donné les moyensd'entreprendre.  Schiffrin, avec la Pléiade et les livres pour enfants, mais aussi avec  quelques livres d'art (« Musée de la Pléiade » ), saura en tirer  bénéfice, pour le plus grand profit de l'éditeur. Bien sûr, Hachette et  Gallimard sont des maisons concurrentes sur ce secteur : Babar et Disney  chez l'un, Aymé et Vivier chez l'autre. Mais les deux maisons n'ont alors  pas à s'en plaindre.    Les  catalogues promotionnels publiés durant cette période témoignent de  l'activité et de la réflexion de Gallimard autour de ce nouveau  département éditorial, dont le directeur en titre, et dûment nommé, est  bien Jacques Schiffrin, le directeur de la Pléiade et des livresd'art.  Les ouvrages y sont présentés par collection et par âge de lecture, les  couvertures reproduites en noir, avec mention des illustrateurs (qui  n'apparaissent pas, non plus que les auteurs, sur les premiers plats de  couverture des quatre premiers titres des « Albums du gai savoir »).Outre  les publics jeunes (de 3 à 13 ans), la NRF y présente ses collections et  ses titres pour jeunes gens et jeunes filles ; il s'agit alors le plus  souvent de titres isolés, récits ou témoignages de vies exemplaires  (Roland Garros, Marie Curie, Amelia Earhart ), ouvragespratiques  (recettes de cuisine) et de quelques récits et monographies historiques  (collection « La Découverte du monde » ). On peut s'interrogersur  le fait que ces ouvrages ont été effectivement écrits et publiés pour  cette catégorie de lecteurs ; mais ils sont promus comme tels ; on  trouvera également sur le catalogue imprimé sur la jaquette de Jacques  Thibault (1948), la liste des ouvrages de Saint-Exupéry (à l'exception du  Petit Prince  !) et de Martin du Gard, ainsi que la collectiondes  « Provinces françaises » . Aussi inclassable, la « Collection   héroïque »  dont les volumes « peuvent et doivent être misentre   toutes les mains »  (présentation de la collection signée parson  directeur, Maurice Sachs, également en charge des collections «   Détective »  et « Catholique » ), et qui offrent auxlecteurs des  récits sur des héros des temps modernes, qui ne reculent devant rien au  nom de leur cause et de leur goût de l'aventure : « Cyrano, d'Artagnan,   Monte-Cristo, Beau-Geste sont leurs modèles, mais les héros qui vivent   dans les pages de la collection sont bien de notre temps : l'auto rapide,   l'avion, le parachute, les sans-fils, le scaphandre et le canot de course   sont leurs armes et leurs plaisirs . »  Une collection pour lafamille,  au public hybride et non clairement identifié. Elle ne figure pas en  propre dans les listes des livres pour enfants ou jeunes gens ; quatre  titres y paraîtront en 1936.    De  fait, quarante et un ouvrages (disponibles) sont recensés par la  NRF  dans son Catalogue des livres pour enfants et pour lajeunesse  millésimé 1939, probablement paru à la fin de l'année 1938. Ces livres se  retrouvent pour une part dans le Catalogue de livres de prix et ouvrages  pour la jeunesse daté de mars 1939, qui recouvre cependant une sélection  beaucoup plus large d'ouvrages parmi les publications de la maison. Un  catalogue de prix édité en 1939 nous apprend par ailleurs que certains  titres ont été adoptés par la Ville de Paris pour ses distributions de  prix (L'Éléphant, Le Mauvais Jars, La Buse et le cochon, L'Âne et le   cheval  de Marcel Aymé ; les deuxRose Celli ; Onc'Léon ; Alice   Piguet ), ou fait l'objet de souscriptions de la part du ministèrede  l'Éducation nationale (Petite histoire des voyages  deMarcelle  Bertin, Le Mauvais Jars  de Marcel Aymé). 

La guerre etl'immédiat après-guerre : contrastes et  innovations    Le  départ de Jacques Schiffrin, les événements des années 1939 et 1940  désorganisent Gallimard dans son ensemble, et le secteur du livre pour  enfants en particulier. Gaston confie les collections jusque-là dirigées  par Jacques Schiffrin à d'autres de ses éditeurs, à l'image de laPléiade,  dont désormais Jean Paulhan suit la marche. Les livres pour enfants, eux,  semblent faire l'objet d'une gestion plus collective. Brice Parain, bien  sûr, est présent, et reprend par exemple les « Almanachs du gai savoir   » , qui profiteront des bonnes ventes de la guerre mais nesurvivront  pas à la Libération ; P.P. Seeligmann, membre du comité de lecture etdu  secrétariat de Gaston Gallimard, également. Mais Raymond Queneau semble  particulièrement concerné. On le voit par exemple suivre de très près les  ouvrages de la « Collection   du bonheur » , romans  destinés aux jeunes filles, où sont publiés dix titres de 1939 à 1942,  dont certains sont traduits d'oeuvres anglo-saxonnes (Queneau étaitbien  placé pour cela).    Dès  1941 s'exprime la volonté de créer une collection de romans pour enfants ;  en février, Raymond Queneau suggère à Gaston Gallimard, souhaitant  reprendre et étudier la question des livres pour enfants, de proposer des  adaptations de romans tels qu'Autant en emporte le vent  ;Parain,  lui, est d'avis de se spécialiser dans les publications destinées aux  jeunes de plus de 8 ans. Raymond Queneau annonceaux soeurs Droze-Vidal en  août 1941 qu'il travaille à une collection de romans pour la jeunesse, où  pourrait s'inscrire leur nouveau manuscrit, Les Vacances   mouvementées . Mais le projet est abandonné en mars 1942, malgré le  succès incontestable de la «Collection   du bonheur» .  Ainsi, le 6 novembre 1942, Michel Gallimard ne peut servir lessœurs Droze  de quelques exemplaires de L'Heureuse méprise . Il ne reste rienen  magasin ni dans les entrepôts Hachette : « Dans des circonstances   normales, il faudrait prévoir une réimpression, mais cela nous est   impossible actuellement. Vous devez savoir en effet que pour chaque   réimpression, nous devons adresser une demande à un Comité de contrôle.   Beaucoup de titres sont épuisés depuis longtemps, pour lesquels nous   n'avons encore rien obtenu car le nombre des autorisations est limité.   »  Face à ces difficultés, les Gallimard jettent l'éponge. Il resteque  durant la guerre la NRF  voit ses stocks d'ouvrages parus avant1939  s'épuiser et ses nouveautés (albums, romans et collections  monographiques), assez nombreuses, recevoir un très bon accueil. La  raréfaction des publications de nouveautés en est la principale  explication.    Après  guerre, malgré les contingentements de papier, Gallimard poursuit avec  volontarisme ces publications jeunesses. L'accueil exemplaire du Petit   Prince  d'Antoine de Saint-Exupéry au printemps 1946, modèle  indépassable (?) du long-seller dans l'édition jeunesse, confirmera  l'opportunité d'un tel développement et l'importance de l'enraciner dans  le catalogue de la grande maison. Bien sûr, il y aura quelques ratés, des  projets dont on regretta plus tard de ne pas les avoir menés à bout.Ainsi  des Chantefleurs  de Robert Desnos (dont la NRF venait depublier  Fortunes  et Le vin est tiré ), qu'en novembre 1943Brice  Parain trouve « assez jolis », mais dont il n'apprécie pas l'illustration  par Maurice Henry (futur auteur des Métamorphoses du vide  aux  éditions de Minuit). Gaston Gallimard devra trancher. Que s'est-il  exactement passé ? Les Trente Chantefables pour les enfants sages   sont publiées pour la première fois par la Librairie Gründ en mai  1944, illustrées par Olga Kowalevsky, dans la collection « Pourles   enfants sages »  de René Poirier - une petite merveille née d'unauteur  dont les lectures de l'enfance ont tant nourri l'imaginaire, de Nick  Carter à Fantômas, de Jules Verne aux Pieds Nickelés. Ces  Chantefables  seront rejointes en 1952 par les Trente   Chantefleurs , parues à la même enseigne. Le recueil deviendra l'undes  plus grands classiques de la poésie enfantine française... Desnos enavait  préparé l'édition juste avant son arrestation pour faits de résistance,  intervenue le 22 février 1944. Les autres textes de Desnos pour les  enfants (Le Parterre d'Hyacinthe, La Ménagerie de Tristan , pourles  enfants de Lise et Paul Deharme en 1932, et La Géométrie deDaniel ,  pour le fils de Madeleine et Darius Milhaud en 1939), encore inédits pour  la plupart, seront eux rassemblés dans Destinée arbitraire en 1975, dans  une collection d'adultes : « Poésie/Gallimard » . Il fautd'ailleurs  prendre garde à ne pas perdre de vue le catalogue de livres pour enfants  que recèle le fonds « adultes » de Gallimard : le merveilleux conte de  Faulkner, L'Arbre aux souhaits , a ainsi d'abord été publié dansla  traduction de Maurice-Edgar Coindreau dans « Du monde entier»  en  1969, avant d'être repris en « Folio junior »  ; LeVieil Homme   et la mer  d'Hemingway était paru dans la même collection en1952,  Le Lion  de Kessel en Blanche en 1958, avant d'être repris l'unet  l'autre en édition illustrée pour la jeunesse ; la Pléiade Julien Green  recèle les aventures bien oubliées de Ralph , qui restent,elles,  cependant à reprendre. Un catalogue en cache un autre ! On peut en outre  considérer qu'il existe deux sortes de livres pour enfants à la NRF   : ceux s'inscrivant dans la lignée de Schiffrin, d'une part, souvent  novateurs et très illustrés ; ceux plus classiques, à la présentationplus  conventionnelle et modeste, d'autre part, que la NRF  édite  parallèlement, le plus souvent sans même les faire figurer dans ses  catalogues de livres pour enfants. On trouve dans cette seconde catégorie  la collection « La Découverte du monde »  ou la «Collection du   bonheur » , mais aussi la « Collection héroïque »  deMaurice  Sachs et de nombreux ouvrages qui visent, ou peuvent éventuellement  s'adresser à un public de jeunes lecteurs.     La  réflexion sur le fonds devient également durant cette période un axe  important. On propose ainsi en librairie, en 1941, un Péguy présenté aux  jeunes, petit volume de 80 pages établi par Pierre Péguy, qui connaît un  bon succès (comme l'ensemble des oeuvres du poète et de Claudel),et  annonce la série des petits Péguy illustrés par NathalieParain après  guerre.    Autre  exemple, plus intéressant encore : celle de l'adaptation scolaire des  Thibault  de Roger Martin du Gard, envisagée par son auteur dèsle  milieu des années 1930 et parue au lendemain du conflit. Le public visé  est alors les élèves des cours moyens et supérieurs, soit une population  d'environ 1,5 million d'élèves. Le projet, suggéré et misen oeuvre par un  ami de l'auteur, Marcel Lallemand, est soutenu par Roger Martin du Gard  lui-même, engagé dans la recomposition et la réécriture du récitoriginal.  Mais Gaston Gallimard, favorable sur le principe à l'entreprise, en  regrette le caractère improvisé et n'est guère séduit par l'apport  pédagogique de son initiateur. Il s'en ouvrira très franchement à son  auteur le 21 mars 1946 :    "J'ai   attendu avant de te répondre au sujet de l'appendice de Lallemand, de   l'avoir soumis à l'appréciation de Queneau qui a l'amour des choses   grammaticales, et de Hirsch qui commence à bien connaître cette   affaire.     Leur   avis concorde avec le mien. Queneau pense que c'est du « délire   pédagogique ». Hirsch estime que ce travail est plutôt destiné àFerdinand   Brunot plutôt qu'à des élèves de l'école primaire.     Quant   à moi, je n'ai pu entrer là-dedans.     Il   me faudrait une application dont je ne suis pas capable. J'ai essayé. Cela   me paraît une élucubration confuse, gratuite, inefficace.     Cela   contredit entièrement ce qui était dans vos intentions : tu m'avais dit à   l'origine de nos pourparlers concernant cette édition scolaire des   Thibault, qu'il ne s'agissait pas de « faire du nouveau, mais de faire ce   qui se faisait ».     Tu   pensais même qu'une maison spécialisée serait peut-être plus qualifiée que   la NRF.     Or,   je connais assez les gens de chez Larousse, Hachette, Armand Colin, pour   être certain qu'il y a longtemps qu'ils auraient rompu toute relation avec   Lallemand, car Lallemand est un homme dénué de tout bon sens, un homme   compliqué. Il veut être un novateur, tout en visant la réussite immédiate.   C'est un modeste vaniteux. Tout ce qu'il propose est en dehors des règles   précises auxquelles il faut se soumettre pour ce genre   d'édition.     J'ajoute   que pratiquement cet appendice est irréalisable dans une édition qu'on   veut bon marché : pour les graphiques il faudrait des tableaux dépliants.   Ils sont déjà illisibles dans leur format manuscrit. Il faudrait des mois   pour les mettre au point typographiquement.     Mais   c'est à toi de décider.     En   réalité, toute cette entreprise se fait à l'envers. Chez Hachette, chez   Larousse, c'est l'éditeur qui la commande et la dirige, les auteurs ne   participent pas à l'illustration, à la présentation, etc. M. Lallemand   veut faire ¦uvre originale. C'est une tout autre édition qu'il faut   préparer, en prévoyant un tirage de 5 000 exemplaires.     Je   t'écris à la hâte. Mais je crois qu'il faut être énergique avec Lallemand.   Sinon, nous n'en sortirons pas. Il faut faire Jean-Christophe, Le Visage   d'Edgar simplement et pour les gosses. Il faut faire Jacques Thibault de   Roger Martin du Gard, et non pas Jacques Thibault de M. Lallemand. Un   texte ne doit pas être un prétexte et l'occasion pour M. Lallemand de   manifester son génie. Ses commentaires doivent être au service de ton   œuvre et de jeunes écoliers.     Excuse   la vivacité de ma réponse, mais j'étais enragé en pataugeant dans cet   appendice ! Bien affectueusement."     Gaston Gallimard       Gaston   Gallimard fait ici référence à des tableaux analytiques que Marcel   Lallemand avait ajoutés en annexe de l'oeuvre, et dont il avait exposé le   principe à Roger Martin du Gard dans une lettre du 9 novembre 1945 : «   J'ai réalisé dans cet esprit quelque chose de "surprenant", unecertaine   rosace où tout pivote (temps, lieu, cause, but, etc., etc.) autour de   l'être (nom) et du mouvement (verbe), et qui a permis à des gosses de dix   ou onze ans d'analyser des phrases d'une complication grammaticale   extrême, pourvu que le sens en soit à leur portée, et, dans ce cas, de   découvrir toutes les nuances de la pensée par l'analyse de la structure. »   De fait, son plan initial repoussait tout commentaire, voulant mettre   l'oeuvre et la lecture au premier plan, le livre devant rester un «   instrument d'évasion », un « aliment de la curiosité ». Lallemand ne   s'autorisait donc en annexe qu'une « étude progressive de la construction   de la phrase » et une étude étymologique de mots.     Le   modèle de Lallemand est alors l'adaptation de Jean-Christophe pour les 7-9   ans et les 9-13 ans réalisée par Albin Michel en 1932. Il cherche pour sa   part à réaliser quelque chose de très simple, rigoureux dans son   ordonnancement, mais privilégiant les seuls plaisirs et bénéfice d'une   lecture non contrainte. Heureux de l'acceptation du projet par Martin du   Gard, il dit son inquiétude quant à un éventuel affaiblissement du livre   de l'auteur, dans son effort de réécriture : ce faisant, Martin du Gard   doit veiller à ne pas « émasculer » son texte, en vue de le rendre plus   édifiant et positif, moralement acceptable pour les enfants et leurs   maîtres : " Jacques, je vous l'ai dit, n'est pas  un   déserteur ! Il court au premier combat, qui est de défendre la paix et la   fraternité entre les hommes. Le vent est à cet au-dessus de la mêlée, cet   au-dessus des patries. Surtout dans ce personnel enseignant qui dans sa   totalité milite à la CGT (dont il forme l'aile gauche). / Notez aussi que   ce ne sont pas les chefs qui ont pouvoir d'accepter ou de refuser les   manuels scolaires, mais les Maîtres. Il n'y a pas de veto possible. [...]   Oubliez-vous qu'il est commenté par le maître ? » (9 novembre 1945).   Cette discussion n'est que le prolongement de débats antérieurs entre les   deux hommes ; Martin du Gard avait déjà signifié à son ami qu'il ne   souhaitait pas mettre « entre les mains de jeunes enfants l'histoire   sympathique d'un garçon en perpétuelle rébellion, et qui se révolte   successivement contre sa famille, contre ses maîtres, contre sa religion,   contre la société. » La vérité est que, d'abord enthousiaste, Martin   du Gard est déçu par le travail de son ami, même revu par lui ; l'oeuvre   existe, elle peut être diffusée. Mais il n'y tient en rien et on ne l'y   reprendra plus. Toujours insatisfait, l'auteur sent les limites du projet,   qui ne sont autres que celles de son concepteur. Gaston Gallimard pense la   même chose, inquiet des lourds investissements consentis pour un tirage   qui n'apparaît pourtant pas alors démesuré.     La   démarche est cependant intéressante, et confirme, encore une fois, la   volonté de la maison, en cette veille des trente glorieuses, d'asseoir son   développement éditorial à destination de la jeunesse sur un prolongement   de son activité littéraire historique.    

 

 

Cela  n'exclut pas la publication d'albums illustrés naturellement ; Les   Contes du chat perché  poursuivent ainsi leur parution. Un accordest  passé avec Paul Grimault pour la publication de livres correspondant aux  courts-métrages d'animation réalisés par sa société de production Les  Gémeaux ; c'est là que naîtra le projet d'adaptation de La Bergère et   le ramoneur  de Paul Grimault et Jacques Prévert qui, après biendes  détours - et des plus tristes -, verra le jour sur les écrans sous le  titre du Roi et l'oiseau , prix Louis-Delluc 1979.    Plutôt  « progressiste » dans son approche, ouverte vers la littérature étrangère  (Gredsted ; « collection du bonheur » ) et le documentaire,déjà  attentive à l'exploitation de son fonds et à la qualité littéraire de sa  production, la NRF  continue donc, tant bien que mal, àexplorer ce  secteur de l'édition pour la jeunesse où, sans être véritablementexperte,  elle a commencé à se faire une place remarquable et remarquée, notamment  en s'appuyant sur ses auteurs (Tardieu, Prévert, Kessel, Saint-Exupéry,  Camus...). On a pourtant, à l'examen de son catalogue du début des années  1950, un sentiment mitigé, entre richesse (autour de grands romanciers  notamment) et dispersion, tant au plan des centres d'intérêt, des publics  visés que des formes éditoriales adoptées. Des coups d'éclat de longue  portée (Le Lion, Le Petit Prince, Lettres des îles Baladar ),  quelques directions esquissées, mais des collections éphémères et,  semble-t-il, aucun plan de publication vraiment concerté ni  suivi.   

 

La « Bibliothèqueblanche » ou la  transition    Un  effort de structuration caractérise la période suivante, autour de la  création de la « Bibliothèque blanche »  en 1953, déclinaisonde  l'emblématique Blanche  pour la littérature de jeunesse - ceque la  « Noire »  sera, bien des années plus tard, pour le polar.Cette  nouvelle collection marque un tournant : il s'agit désormais de devenir  l'éditeur référent dans le domaine de la fiction de qualité pour les  jeunes gens. On fait appel à des auteurs nouveaux, on en cherche à  l'étranger. La moisson est bonne, exceptionnelle même ; en porte-drapeau:  L'Enfant et la rivière  et L'Âne Culotte  d'Henri Bosco  (repris des fonds Gallimard et Charlot), Charlie et la chocolaterie   et James et la grosse pêche  de Roald Dahl, ces deux derniersen  édition originale en traduction française. On sent là le ferment des  développements à venir. La réflexion se précise ; les éditeurs (Jacques  Lemarchand, par exemple) dialoguent plus étroitement avec le service  commercial sur la forme à donner et le programme même de la collection ;  en 1964, on se préoccupe ainsi de lui donner un nouvel élan, en  l'émancipant de la tutelle de la Blanche : « Nous devons rénover cette   collection » , annonce Claude Gallimard à Henri Bosco le 21décembre  1964, « lui donner un aspect plus jeune et plus attrayant et lui   assurer en même temps une diffusion plus importante. Les volumes   comporteront désormais une couverture illustrée, un certain nombre de   dessins au trait et seront tirés dans le format soleil ».    

 

    Le résultat de cetravail est, dans son contenu peut-être plus que dans  sa forme (malgré la grande qualité d'un certain nombre d'illustrations  réalisées pour la seconde série, où l'on voit Georges Lemoine apporter sa  première contribution au catalogue Gallimard), assez probant. Il est  surtout annonciateur de la mue qui se prépare : celle liée à la naissance  de Gallimard Jeunesse comme département, dont « 1000 Soleils » ,  collection de littérature pour la jeunesse en volumes reliés etillustrés,  sera la première création. Fait des plus significatifs : c'est  Louis-Daniel Hirsch qui rédige la première note de synthèse surune «   Nouvelle bibliothèque pour la jeunesse »  le 5 juillet 1972,  préfiguration du programme de « 1000 Soleils »,  à destinationde  Claude et son fils Christian Gallimard (qui consacre la moitié de son  temps à cette activité à partir du 1er septembre 1972) et PierreMarchand.  C'est donc dans ce cadre que la grande mutation se jouera. Les albums,  passés au second plan dans les années 1960, reviendront sur le devant de  la scène, portés par un renouveau du genre, l'émergence d'une jeune  génération de créateurs et par une véritable réforme des méthodes de  production. La communauté des illustrateurs proches de la maison  s'élargira, avec des personnalités aussi remarquables que celles de  Delessert, Galeron, Claverie, Lapointe, Pef, Tony Ross... Avecd'autres,  ils donneront également son visage à l'élan encyclopédique de Pierre  Marchand, où se réformera de façon décisive le documentaire Jeunesse. La  rencontre entre Pierre Marchand et la famille Gallimard s'est faite par  l'intermédiaire de Massin, directeur artistique de la maison depuis 1958-  pour lequel Jean-Olivier Héron réalise alors des illustrations de  couverture pour la jeune collection « Folio » . Les deux amis  cherchent un éditeur pour mettre en oeuvre leurs idées de collectionpour  les enfants. La décision sera rapidement prise.      Ce sera Gallimard!   

 

  Un Départementjeunesse chez Gallimard    Le  plan de Pierre Marchand présente trois volets : publication de romans  issus du fonds Gallimard, livres d'activités au format de poche et livres  illustrés d'un prix relativement élevé, devenus un véritable projet  encyclopédique. Au contrat signé entre Claude Gallimard et le directeurdu  magazine Voiles et voiliers , secondé par son ami Jean-Olivier  Héron, le 29 octobre 1973, définissant les modalités d'administration de  ce « département jeunesse » , figurent explicitement quatre  collections, destinées aux préadolescents et adolescents : « 1000   Soleils »  (littérature en ouvrages reliés), « Kinkajou »   (livres d'activités de poche, à partir de 10 ans), « Les Trésors »   (collection reprise à Fleurus, où Marchand et Héron l'avaient créée) et  « Encyclopédie active de la nature ».  À ce socle, dont le tempset  le coût de mise en oeuvre apparaîtront bientôt sous-estimés(fabrication  très spécifique, conception éditoriale complexe), sont presque aussitôt  adossées des collections à rotation plus rapide, comme, « Snoopy »   (contrat conclu le 18 septembre 1974 avecUnited Press international),  « Exploits »  (récits d'aventuriers), lancée le 15 octobre1974,  ainsi que « Kinkajou Série » , « Reporters du passé »  (textesclassiques de  grandes figures historiques : Mémoires de Joinville, Voyage de  BougainvilleŠ), l'almanach « Club 77 »  ou « Cent idées» . Le  développement de cette dernière collection, ainsi que celui de «   Kinkajou »  et de ses séries, n'est envisagé d'emblée qu'avecdes  coéditeurs étrangers (Fischer en Allemagne, Collins en Grande-Bretagne,  Franklin Watts aux USA, Glydendal en Norvège, Lademann auDanemark, Otava  en Finlande, Ploegsma aux Pays-Bas, Hemmetts en Suède,Fabbri en Italie.).  Même si l'inspiration reste proche de ce qui s'est fait par le passé, on a  le sentiment que Gallimard est passé à une nouvelle dimension en matière  de livres pour enfants. La création du département jeunesse apparaît  désormais comme une pierre au nouvel édifice dont Claude Gallimard s'est  fait l'architecte et le maître d'oeuvre depuis la fin des années1960,  motivé par un farouche et salutaire désir d'indépendance : rupture du  contrat commercial avec Hachette et création d'une structure de  distribution Gallimard (Sodis), création de « Folio »  pourfaire  suite au Livre de poche.   

 

 

Ne bénéficiant plus dusoutien presque systématique d'Hachette pour le développement de  ses gros projets, il revient à la maison de trouver par elle-même les  meilleures voies de financement et de diffusion de ses projets :  coéditions, partenariats, commerciaux, expérimentation prudente de la  vente directe. À l'évidence, Gallimard entend être présent sur un grand  nombre de segments, sans trop tarder, dans une logique peut-être un peu  moins élitiste. Les tirages moyens par titre sont élevés - sans même  parler des coéditions : 22 000 exemplaires pour « 1000 Soleils »  et  « Exploits »  (bientôt réajustées à 15 000 cependant), 35 000pour  "Kinkajou" , 50 000 pour « Club 77 » , 33 000pour « Snoopy   » , 13 000 pour « Reporters du passé » . Les coûts defabrication  imposent ces choix, ainsi que la volonté de maintenir des prix  accessibles. Gallimard a donc décidé d'y mettre les moyens ; aurait-elle  eu une si grande marge de manoeuvre s'il ne s'était pas émancipé deson  distributeur historique Hachette ? Certainement non. Notons également que  ce développement est posé en termes de création : plutôt que d'acheter  massivement des titres à l'étranger, Gallimard se veut un espace de  proposition et d'innovation pour ses interlocuteurs  internationaux.    Un  comité de suivi du département Jeunesse sera rapidement mis en place  autour de Pierre Marchand et Jean-Olivier Héron ; Christian Gallimard le  suivra de très près, avec Bernard Fixot et John Clement pour lapartie  commerciale. Une réunion « inaugurale » a lieu le 3 août 1973 au domaine  de Pré-Chartrettes (Seine-et-Marne), consacrée à l'étude desdifférentes  collections déjà lancées ou envisagées. On y discute le programme de «   1000 Soleils » , cherchant le bon équilibre entre reprise du fonds,  achat de titres à des éditeurs tiers (Pagnol) et oeuvres dudomaine  public. On y envisage d'emblée la création d'une collection de poche, «   Poche Junior » , éventuellement segmentée par âge (qui, comme lefera  remarquer Pierre Marchand, n'a pas alors d'équivalent ni de précédent en  France, mais à l'étranger). On réfléchit au lancement de « Kinkajou   »  (mars 1974), qui s'adresse principalement aux enseignants etaux  parents, et aux conditions de fabrication et de suivi éditorial de cette  collection de conception singulièrement complexe. On étudie enfin le plan  général de la collection encyclopédique en vingt volumes dont la  thématique centrale est la nature - et on évoque déjà le projet d'une  série de « guides touristiques ».  Pierre Marchand et  Jean-Olivier Héron présenteront lors des séances qui suivront les  premières maquettes de leurs nouvelles séries, s'interrogeront sur  l'accompagnement marketing et promotionnel des lancements (un club  Kinkajou, par exemple, avec un « yearly book » ; une diffusion clubou par  correspondance, avec Rombaldi, un almanach annuel).    C'est dans ce  cadre que s'édifie le socle éditorial et que se forgent les savoir-faire  de ce qui ne s'appelle pas encore Gallimard Jeunesse. Le département,  ainsi piloté, s'appuie durant toutes ces premières années sur  la structure « maison » : Suzanne Duconget, directrice de  fabrication, suit la réalisation des volumes ; Massin, le directeur  artistique, peut servir d'intermédiaire entre les maquettes créatives de  Pierre Marchand et Jean-Olivier Héron et les fabricants. Yannick Guillou,  responsable des achats de droits à l'étranger, est sollicité par lesmêmes  pour négocier en 1976 les droits de reprise en « Grands textes   illustrés »  (« une nouvelle collection de grand format destinéeà   recevoir les ouvrages accessibles à la jeunesse particulièrement longs et   ne pouvant par conséquent entrer dans le cadre des volumes simple, double,   triple de la collection "1000 Soleils" » ) des classiques Moby   Dick  et Autant en emporte le vent . Quant au projetéditorial  lui-même, il fait l'objet d'un suivi attentif de Claude Gallimard et des«  lecteurs » de la grande maison ; mais l'avis de Claude Roy est-il  sollicité pour la collection historique des « Reporters du passé »   ?     Ainsi, à tout  point de vue, ce développement d'un secteur Jeunesse apparaît comme un  projet majeur pour l'éditeur, mobilisant toutes ses forces vives. La  greffe a pris, mais elle avait été préparée, nous l'avons vu. La  continuité éditoriale est marquée de façon évidente par la création en  1977 d'une collection de poche (celle dont il est question dès 1973) pour  les enfants de 10 à 16 ans : en l'appelant « Folio junior » ,on  souligne la solidarité des publications adulte et jeunesse, avec une  véritable stratégie de marque à l'échelle de la maison. Elle sera, on le  sait, déclinée pour tous les âges, avec « Folio cadet »  (1980)et  « Folio Benjamin »  (1983). La publication de grands albums  illustrés puis de la célèbre collection « Enfantimages »  en1978  mettra, elle, en évidence le prolongement de la politique éditoriale  littéraire de la NRF  à destination des jeunes publics, enproposant  un dialogue de qualité avec de nouvelles générations d'illustrateurs.  Après Camus, Hemingway ou Kessel, c'est Marguerite Yourcernar,Michel  Tournier, J.M.-G. Le Clézio, Claude Roy ou plus tard Daniel Pennacqui  apporteront leur talent de conteur aux lettres de jeunesse, avec quelque  chose de plus souple, de moins guindé que dans les décennies  passées.   

 

 

Pour  autant, la question d'une filialisation du département aura tôt fait  d'être posée (et soutenue par ses principaux animateurs auprès de Claude  Gallimard). Discutée dès 1975, elle n'interviendra que bien plus tard, au  début des années 1990. Entre- temps, le département de Pierre Marchand,  porté par un rare tempérament d'éditeur, soutenu par toute une maison et  ayant tracé sa voie singulière au sein d'une grande maison, se seravu  donner tous les moyens pour écrire l'un des grands chapitres de l'édition  jeunesse française du second XXe siècle.    Gaston  Gallimard disparaît le 25 décembre 1975. Le grand département jeunesse  qu'il avait si tôt envisagé - mais qui n'avait de sens à ses yeux ques'il  était mené avec grande conviction, dans un esprit tout à la fois de  continuité et de spécialisation -, avait enfin pris forme durablement. Un  vent de jeunesse, quoi !    Alors au travail : ilva falloir faire rêver! 

2) Edy Legrand(Macao)    3) Saint Exupéry (lePetit Prince)    4) Nathan Altman(Contes du chat Perché)    5) Paul Grimault (lesPassagers de la Grande Ourse)    6) André François(Lettre des Iles Baladar)    7) Etienne Delessert(le Livre de la Jungle)    8) Jean-Louis Besson(Manuel des farces et attrapes)    9)Georges Lemoine (LaMaison qui s'envole)    10) J.Cl Gotting (HarryPotter) 

  • Caractéristiques spéciales: Illustré
  • Époque: XXe
  • Sujet: Littérature

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