Cette ancienne entreprise publique fut fondée en tant que service en 1926, sous la présidence de Raymond Poincaré et sous le nom de Service d'exploitation industrielle des tabacs (SEIT), et rattachée à la Caisse autonome de gestion des bons de la défense nationale et d'amortissement de la dette publique . Elle reprend les attributions du monopole des tabacs rétabli en 1810 par Napoléon Ier .
En 1935, le service absorbe le monopole des allumettes , affermé alors à une régie d'État nommée Compagnie générale des allumettes chimiques , et devient ainsi le SEITA3 . Celui-ci contrôle alors 22 manufactures des tabacs réparties sur l'ensemble du territoire national et vend uniquement les marques Gauloises et Gitanes .
Les réformes de 1959 et 1961 lui confèrent la qualité d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC).
Obligé de s'adapter, le SEITA tente de riposter en lançant deux marques de cigarettes blondes, Philtres et Maeva (mentholée), qui ne trouvèrent pas leur public et qui furent retirées de la vente moins de deux ans après leur sortie4 . Le PDG d'alors, Pierre Millet, décida alors de tout miser sur de nouvelles cigarettes brunes : les Gitanes internationales en 1976 et les Fine 120, cigarettes longues de 120 mm destinées à concurrencer la marque Time de RJ Reynolds , en 1977. Cependant, le succès des blondes ne se démentant pas, l'entreprise retente sa chance avec le lancement de Rich&Light en 1978, d'une marque de cigarettes « américaines », les News en 1979, et d'une blonde haut de gamme française, Champagne, mise au point par la « réunion des monopoles », alliance des fabricants européens et japonais pour contrer les marques anglo-saxonnes5 . Il se mit également à fabriquer pour le compte de British American Tobacco les cigarettes Lucky Strike destinées au marché français où les procédés de fabrication, la totalité des ingrédients sont différents par rapport aux autres produits de la SEITA, cette production se faisant sous la licence de British American Tobacco 6 . Après un procès des viticulteurs champenois et l'échec cuisant de la Rich&Light, seules les News furent conservées, malgré une part de marché très faible. Le réel succès du SEITA avec les cigarettes blondes vint en 1984, avec le lancement des Gauloises blondes.
L'usine abandonnée de la Seita à Périgueux.Un schéma similaire s'est appliqué dans le domaine du tabac à rouler : les lancements de marques telles que Caperlino, Jean Bart, Bergerac, Saint-Claude confrérie et même Pall Mall , fabriqué sous licence, ne rencontrèrent pas le succès. Seules les marques existantes, Gauloises et Amsterdamer, eurent du succès lorsqu'elles furent lancées en tabac à rouler, respectivement en 1982 et 19847 .
Malgré toutes les tentatives mises en place pour tenter de garder le contrôle du marché, le déclin est inexorable. En 1994, moins d'une cigarette sur deux vendues en France est produite par le SEITA, et l'État refuse toute création d'une marque nouvelle8 . Toutefois, les autres fabricants n'ont pas investi le secteur de la distribution, et la filiale SEITA-Distribution commercialise la majeure partie du tabac écoulé par les buralistes. Seuls quelques distributeurs spécialisés dans les cigares ou le tabac à pipe sont également présents9 .
Cette perte de parts de marché va entraîner une profonde restructuration. En 1980, le service SEITA devient la société SEITA, une société nationale10 . En 1981, les manufactures de Nancy et de Pantin ferment leurs portes11 . Elles seront suivies par celles d'Orléans en 1982, de Lyon en 1987, de Marseille en 1990, de Dijon en 199312 , de Châteauroux et de Périgueux en 199813 . Celle de Pantin, alors désaffectée mais non abandonnée et qui sera détruite en 1992, aura servi pendant cette période de lieu de tournage pour des clips et des films, comme La Lectrice , Delicatessen , ou Nikita 14 .
Après une première tentative avortée en 1993, la SEITA est privatisée en 1995. Vincent Bolloré , qui possédait déjà, au sein de sa société Coralma, les cigarettes Bastos , les papiers à cigarettes et les filtres JOB et OCB , souhaitait se porter acquéreur du groupe15 . Cependant, trop endetté16 , il a dû se contenter d'une partie du capital de la Seita, aux côtés de la Société générale , du CCF et de BiC 17 .
Sous l'impulsion de ses nouveaux actionnaires et pour devenir compétitive face aux géants du secteur Philip Morris et British American Tobacco , la Seita prend le contrôle en 1995 du troisième fabricant polonais de cigarettes, ZPT Radom. Le 5 octobre 1999, elle fusionne avec l'espagnol Tabacalera , devenant le plus grand fabricant de tabac en Europe, sous le nom d'Altadis . Seules les activités de cigarettes et de cigares sont conservées. La fabrication d'allumettes est cédée avec l'assistance de la société de capital-risque Cluny Finance à un exploitant tunisien, Sofas. Les fermetures d'usines continuent, avec celles de Tonneins en 2000, de Morlaix en 200118 , de Dijon en 2004 et de Lille en 2005, mettant un terme à la production des cigarettes brunes Gitanes et Gauloises en France (la production est transférée en Pologne)19 .
En 2008, Altadis est racheté par le groupe britannique Imperial Tobacco (quatrième fabricant mondial) et devient une de ses filiales. Six mois plus tard, celui-ci annonce un plan social de grande ampleur, conduisant à la suppression de 2 440 emplois en Europe20 . En France, il se traduit par la fermeture d'une usine de papier à cigarettes à Metz et d'une usine de cigares à Strasbourg 21 .
Après avoir disparu des paquets au profit d'Altadis puis d'Imperial Tobacco, le nom Seita a refait son apparition en 2013. La filiale française du groupe possède six sites en France, contre une trentaine avant la privatisation13 : trois usines de fabrication de cigarettes, à Carquefou (près de Nantes ), à Riom , et à Furiani (près de Bastia ), une usine de traitement du tabac au Havre , et deux centres de recherche, à Fleury-les-Aubrais et Bergerac .
Altadis-Distribution, successeur de la SEITA-distribution, continue la distribution de tabac chez les buralistes. Ses effectifs sont de 1 300 salariés en 201124 , répartis sur six sites principaux, dont certaines sont des anciennes manufactures reconverties en dépôts : Nancy , Le Mans , Colomiers , Lognes , Vitrolles et Mions 25 .
La régie dispose jusqu'en 1970 de l'exclusivité de l'achat du tabac servant à la fabrication des cigares et cigarettes vendus en France. Elle s'approvisionne majoritairement auprès d'agriculteurs français, et doit se contenter d'un maximum de 20 % de feuilles de tabac importées. Le nombre d'hectares de tabac pouvant être cultivés était revu chaque année en fonction des besoins du SEITA, et les permis de cultiver étaient délivrés par les préfets.
On dénombrait 30 289 planteurs de tabac en 1871 dans 20 départements, 41 000 en 1925 dans 30 départements, 107 000 en 1954. Leur nombre baisse ensuite : de 94 995 en 1958, il passe à 41 760 en 1969 dans 47 départements. Après la fin du monopole de l’achat des tabacs en France de 1970, le SEITA passe des contrats avec des planteurs (28 000 contrats en 1979).
En 2010, la France produit environ 18 000 tonnes de tabac par an et est le cinquième producteur européen, avec 97 % de tabac blond et 3 % de brun exporté dans 20 pays. Cette production est répartie sur 7 000 hectares. Il y a 2 076 planteurs et 20 000 travailleurs saisonniers (six mois par an) dans 60 départements, au sein de 7 coopératives agricoles 26 . Une usine de première transformation du tabac se situe à Sarlat-la-Canéda . Elle appartient à France Tabac, société représentant l'union des coopératives, qui possède également à Bergerac une structure de recherche, d'expérimentation et de formation des hommes, l'Association nationale interprofessionnelle et technique du tabac (ANITTA).
En 2017, la production française s'établit à 8 172 tonnes et la France est le septième producteur de l'Union européenne27 .